LE CHANT DES MARIEES, Karin Albou

Avec : Lizzie Brocheré, Olympe Borval, Najib Oudghiri, Simon Abkarian, Karin Albou
Long-métrage français, tunisien
Durée : 1h40
Date de sortie: 17 décembre 2008

Tunis, 1942. Un long métrage de plus sur la seconde guerre mondiale ? Après La petite Jérusalem, Karin Albou nous entraîne au cœur d’un protectorat, où musulmans et juifs vivent en parfaite harmonie. Les thèmes abordés ont un lien de parenté : même détermination des jeunes femmes, même désir de vivre dans un milieu répressif à leur égard, même préoccupations d’adolescentes. Loin du front, l’on partage l’amitié de Nour, jeune musulmane et Myriam, jeune juive. Bien que voisines, celles-ci mènent une vie aux antipodes l'une de l'autre. Chacune rêve secrètement de la vie de l’autre : Myriam va à l’école, Nour est fiancée à Khaled. Mais bientôt, l’arrivée des Allemands va bouleverser cette paisible amitié : des tracts diffamatoires à l’égard des juifs sont déversés à tout va et Khaled, contraint de travailler pour pouvoir épouser Nour, accepte un emploi au service de la Kommandantur… Dans ce film, la propagande et l’oppression Nazi ont des répercussions très fortes sur les personnages : les vols de reconnaissance, les alertes à la bombe, les explosions hantent la population …
Karin Albou choisit ainsi le regard de la femme dans la perception de cette guerre, qui se transforme en guerre des cultures entre les deux communautés. Bientôt la violence se répand au sein du protectorat, ce que la réalisatrice ne manque pas de faire observer. A aucun moment l’on n'est assailli par une vision manichéenne, qui serait caricaturale. Le Hammam, lieu de rencontre et de détente pour les deux communautés, devient un lieu de conflits, prémisse d’une séparation entre ces deux cultures. Les deux jeunes amies, dont l’amitié s’effiloche, sont frappées par cette violence, soulignée par des tons bleus et gris, dominants tout le long du film : toutes deux sous la coupe de leurs parents, elles doivent suivre inéluctablement le destin de toute femme, celui du mariage forcé: Myriam est contrainte d’épouser un riche médecin, Raoul, afin de pouvoir régler la taxe imposée aux juifs ; Nour est fiancée à Khaled, c’est ici l’illustration d’une société traditionnelle. Celles-ci en arrivent à feindre de ne pas se voir… A toutes ces hostilités s’ajoutent les préoccupations de l’adolescence, les interrogations sur l’amour et la sexualité, l’angoisse de ces hommes dont on les tient à distance depuis leur naissance. Melting-pot de thèmes, ambiguïté des personnages, l’on aborde avec originalité cette guerre et ses conséquences. Si l’aspect « boucherie » est occulté, le film n’en est que plus émouvant, tout en rejetant les clichés mélodramatiques. Ce second long métrage est à l’image de sa réalisatrice : à la fois audacieux et humble.

 



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